- Alcuin
- AlcuinAu début du IXe siècle, à cette époque de grande construction, l’œuvre d’Alcuin (735-804) a eu une réelle importance dans la direction intellectuelle de l’Europe pendant tout le Moyen Age. Né l’année même de la mort de Bède le Vénérable, Alcuin avait reçu à York la tradition d’un enseignement libéral ; devenu maître de l’école épiscopale d’York, il fut appelé en 785 par le roi Charles, et il devint dans l’empire franc l’organisateur des études : œuvre pratique plus que théorique, mais dans laquelle se manifeste cette sorte d’architecture intellectuelle qui se maintiendra pendant tout le Moyen Age : les sept arts libéraux comme moyens, la théologie comme fin, voilà la formule qui résumerait le mieux ses desseins : elle n’a rien d’inattendu ; elle est l’œuvre non d’un spéculatif, mais d’un homme qui a à diriger des monastères et à défendre la foi dans les conciles ; mais Alcuin insiste avec une force singulière sur la nécessité des arts libéraux : il sanctifie ces arts, en montrant leurs relations avec la création divine : « Les philosophes n’ont pas créé mais ont seulement découvert ces arts ; c’est Dieu qui les a créés dans les choses naturelles (in naturis) ; et les hommes les plus sages les y ont trouvés. » La philosophie consiste à lire l’œuvre de la création ; les connaissances qu’elle donne correspondent à la révélation, la physique à la Genèse, la morale aux livres des Sagesses, la logique aux Évangiles. Mais surtout il en montre la nécessité pour l’interprétation des Écritures ; il en appelle au grand maître, à saint Augustin, selon qui « des raisonnements dialectiques sont nécessaires, et les questions les plus profondes au sujet de la sainte Trinité ne peuvent s’expliquer que par la subtilité des catégories ». Dans une lettre à Charlemagne, il vante non seulement la douceur des mathématiques et l’agrément de la connaissance des choses célestes, mais leur utilité dans l’interprétation des Écritures.A côté des arts libéraux, il est une autre tradition antique que maintient Alcuin, c’est celle de la morale cicéronienne. En son traité Des vertus et des vices , après avoir parlé des vertus proprement chrétiennes, foi, charité, espérance, etc., et des vices qui leur sont opposés, il ajoute : « De tous ces guides de la religion chrétienne que nous avons opposés à l’armée de l’impiété diabolique, il est quatre chefs qui sont les plus glorieux : la prudence, la justice, le courage et la tempérance » ; et de ces quatre vertus, il donne les définitions du De Officiis.
Philosophie du Moyen Age. E. Bréhier. 1949.